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Aimer les autres tels qu’ils sont ?
Un des commandements les moins bien compris, après le « pardon », est celui qui propose d’aimer les autres tels qu’ils sont. Au premier abord, point de difficulté à comprendre, n’est-ce pas ? Il nous est demandé d’aimer les autres tels qu’ils sont, un point c’est tout ! Mais une question se pose tout de même : ce fameux « tels qu’ils sont » ne serait-il pas un brin différent de « quels qu’ils soient » ? Car soyons clairs : aimer les gens ou, et plus sobrement, les accepter tels qu’ils sont, est chose aisée, finalement. Il suffit de ne pas chercher à comparer ce que nous sommes avec ce qu’ils sont et leur laisser cette chance unique d’être… Uniques, justement ! Il est dit que chacun de nous est un être unique. Partant, il devient presque évident que nul autre ne sera jamais « tel que nous » mais bien toujours « tel que lui. » Dès lors, accepter les autres « tels qu’ils sont », revient à accepter une simple évidence. Jusque-là, nous direz-vous, rien de bien difficile à comprendre et même, à accepter.
C’est après que les choses se compliquent un brin. Car si accepter les gens tels qu’ils sont, c’est-à-dire accepter leur droit inaliénable à la différence puisqu’à l’unicité, est une chose naturelle et pour ainsi dire obligatoire, qu’en est-il de cette autre idée qui consiste à accepter les gens « quels qu’ils soient » ? Peut-on vraiment réussir à accepter les autres, quels que soient leur état d’esprit, leur caractère et leur comportement envers nous ? Il nous faut préciser « et leur comportement envers nous », car si nous pouvons accepter L’IDÉE qu’il puisse exister des voleurs, des violeurs et des assassins, ailleurs et dans le monde, pouvons-nous accepter AUSSI que ces mêmes personnages puissent commettre leurs différents forfaits au sein même de notre famille ou parmi nos amis les plus chers ? La réponse est évidente : bien sûr que non ! Et d’ailleurs, aucun être humain sain de corps et d’esprit ne saurait le permettre ou assister à ces choses sans broncher.
On pourrait simplifier en proposant cette autre tournure d’esprit, permettant de transformer un peu la première proposition, la reformulant en ces termes : « Jusqu’à quel point pouvons-nous accepter la différence des autres et les accepter tels qu’ils sont ? » Mais cette seconde formulation, en plus de manquer de précision et de mélanger deux concepts différents (« tels qu’ils sont » avec « quoi qu’ils soient ») ne peut rendre justice à la véritable spiritualité. Sauf si on s’imagine encore, et en 2019, qu’être spirituel est la nouvelle façon de parler de la lâcheté morale et de la peur d’assumer ses propres idées ? Auquel cas, il ne s’agit plus de spiritualité mais de peur de vivre et de s’affirmer… Tel quel ! Les autres aussi ont le droit d’accepter notre différence !
Or donc, s’il est établi comme un fait que nous ne pouvons faire autrement que d’accepter les autres tels qu’ils sont, voire « en l’état », nous ne sommes pas pour autant obligés de les accepter « quel que soit leur comportement général. » Par exemple, nous n’avons pas à accepter des paroles ou des actes étant volontairement moqueurs, blessants ou humiliants, lorsqu’ils nous concernent directement. Il n’est pas possible d’être heureux, joyeux et en paix, si on n’a pas un minimum de respect de soi, ou « d’amour-propre », comme on le disait jadis.
D’ailleurs, comment réussir à aimer ce personnage que nous sommes si nous acceptons qu’il soit régulièrement traité comme de la merde en boîte ? Il ne faudrait pas confondre pour autant « amour-propre » ou même un respect de soi, avec de la vanité. La vanité ne repose sur rien : nous serions donc vaniteux si nous laissions aux autres le pouvoir de nous abaisser sans réagir. À l’inverse, puisque nous refusons que nos personnes physique et morale soient « couvertes d’opprobre et de scandale », comme disait un certain chanteur français, nous ne sommes alors pas vaniteux (vains, vides) mais seulement fiers d’être qui nous sommes. Ce qui, soit dit en passant, est un signe de bonne santé spirituelle !
Nous en voulons pour preuve la jeunesse actuelle dont les timides représentants ont un mal fou à s’accepter eux-mêmes tels qu’ils sont et à avoir foi en eux-mêmes. Du moins pour la plupart. Quand on ne s’accepte pas tel que l’on est, que l’on se juge ou se condamne à la moindre occasion, on ne peut pas réussir à s’aimer et à avoir le sentiment intime de sa propre valeur. Dès lors, nous devenons très sensibles aux moqueries et aux jugements d’autrui, nos réactions plus ou moins épidermiques donnant un net aperçu du niveau de tension intérieure auquel nous sommes déjà parvenus. Au contraire, si nous aimons ce que nous sommes, le respectons et avons le sentiment de notre valeur personnelle, les piètres tentatives d’autrui pour nous déstabiliser se soldent et par un échec, et par quelque parole spontanée bien sentie et surtout, faisant mouche dans le camp adverse.
Car aussi bizarre que cela puisse paraître à une personne peu aux faits de la psychologie comportementale, ce sont précisément les personnes les plus réactives à la moquerie et aux critiques, qui prennent le plus grand plaisir à se moquer des limitations (supposées ou avérées) des autres. D’autres préféreraient dire, pour tenter de couvrir ou de minimiser le crime de lèse humanité, que ce sont plutôt les personnes qui ont le plus souffert qui titillent le plus volontiers les autres. Comme si le fait d’avoir souffert pouvait justifier la chose ou même en expliquer vraiment la cause ! Celui qui a vraiment souffert est devenu sensible à la souffrance, la sienne comme celle des autres. Il est bien placé pour connaître les effets de ce qu’il pourrait imposer aux autres et se garde donc de le faire. S’il le fait tout de même, ce n’est moins rien qu’un petit salaud qui ne mérite aucun respect pour sa propre souffrance. Si elle existe ou a vraiment existé un jour !
Un certain conditionnement religieux, judéo-chrétien, pour ne pas le nommer, oblige encore les gens à se conduire comme des lâches voire des eunuques de l’âme, en ayant le sentiment de frôler de peu la sainteté. Ainsi, certains ont le sentiment très net de juger leur prochain, même lorsqu’ils ne font que constater le niveau extrême de connerie de ce dernier. Cela provient du fait que la spiritualité moderne s’est plus ou moins volontairement coupée de ses racines, l’ésotérisme, voici quelque deux cents ans de cela environ. Depuis, une personne spirituelle essaye tant bien que mal de tendre la joue droite si on la gifle sur la joue gauche. Alors qu’un ésotériste mettra volontiers « une droite » à celui qui fera seulement mine de le toucher. C’est là toute la différence entre une spiritualité bien comprise et donc, bien vécue, et cette sorte de tambouille mystico-religieuse imbuvable que l’on nous sert de nos jours, sous l’appellation pompeuse de « spiritualité. »
Nos modernes spiritualistes vivent dans la peur, c’est évident ! La peur de s’exprimer librement, tout d’abord, puis celle de se laisser aller (spontanéité) et enfin, la plus terrible de toutes : cette trouille bleue à la seule idée de « perdre le contrôle » et de se laisser submerger par leurs émotions. Car émotions il y a, vous pouvez nous croire ! Seulement, nombreux sont celles et ceux entraînés de longue date à refouler tout sentiment jugé inapproprié pour quelqu’un de spirituel (prouuut !) Alors la pression augmente avec les années, obligeant nos doctes et fiers spiritualistes à renier jusqu’à leurs propres pets, surtout s’ils ont le toupet d’être odorants, en plus d’être bruyants.
Résultat, plus des deux tiers des spiritualistes de France (ailleurs, nous ne savons pas) ont soit fait une dépression carabinée dont ils s’imaginent toujours s’en être remis, soit filent à toute allure en direction de cette même dépression. Pour qui sait écouter et observer, certains signes ne trompent pas et certains personnages connus du monde de la spiritualité moderne, présentent tous les symptômes post ou pré-dépression.
Cela dit, nous n’avons aucun intérêt à nous réjouir de la chose, bien au contraire ! Quand on a été durant presque quarante ans un amoureux sincère de la véritable spiritualité, on ne peut que grincer des dents en observant ce que beaucoup ont fait de l’objet de notre amour. On essaye donc, avec pudeur mais fermeté tout de même, de dénoncer non pas des personnes, mais des états d’esprit.
Pour nous, chacun est innocent par nature et par défaut, mais les états d’esprit que certains persistent à utiliser comme s’ils étaient les seuls disponibles sur l’étal du grand Banc des âmes, transforme des êtres qui pourraient être déjà humains, soit en animaux (pour les plus atteints), soit en personnages blafards dont seul le Moi-Idéalisé tente encore vainement de briller.
Ce qui crée la différence entre les êtres, ce ne sont pas ces êtres ni même quelque « droit de naissance », mais l’état d’esprit général qu’ils se proposent d’utiliser pour exprimer « qui ils pensent être. » Nous sommes tous issus du même esprit, sommes baignés du même Courant Vital Divin, et il n’est qu’une seule conscience, partagée par tous les corps, en simultané. Celui qui sait cela, qui l’accepte et qui le comprend, ne peut plus voir les autres comme tout un chacun les voit. Mais il peut voir ces autres sur deux niveaux en simultané, et choisir celui qu’il convient de choisir, au moment où ce même choix s’avère nécessaire.
Mais que voit-il, en vérité ? Il voit, nous le mentionnions plus haut, deux choses : la première, ce que « l’Autre » est vraiment, à savoir une partie insécable de la Soi-Conscience Divine (ou universelle.) Mais par chance pour lui, il voit également que cet autre ne sait pas encore qui il est vraiment et que même s’il le savait, il ne réussirait pas à le croire. Alors il traite cet autre comme il se traite lui, avec la même déférence ou absence de déférence.
En conclusion, nous dirons qu’il est évident et naturel d’accepter les autres tels qu’ils sont, mais pas d’accepter qu’ils soient, avec nous, tout et n’importe quoi ! Car cette seconde version, en plus de n’avoir JAMAIS été spirituelle, est la preuve d’un manque de bon sens et de rationalité hors du commun. Seules une ou plusieurs religions et/ou croyances moyenâgeuses, pourraient rendre l’homme assez con, et fier de l’être, pour accepter de telles idées comme étant un indice de spiritualité. Bien sûr, il n’est pas question pour autant de tout se permettre sous prétexte de laïcité ! On ne peut critiquer le manque de bon sens chez autrui et en faire preuve soi-même !
Si de nos jours les ésotéristes ont appris à se faire au moins discrets, ce n’est pas par peur ou par difficulté à s’adapter à un monde aussi malade que la plupart de ceux qui le composent. Leur discrétion vient du fait que leurs paroles voire leur présence seule, suffisent souvent à déclencher les passions.
Un peu comme si quelque chose parlait en eux et à travers eux, surtout quand eux choisissent de se taire. Pourquoi ? Ceci fera l’objet d’un prochain article.
Serge Baccino