Être ou se produire

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Être ou se produire

 

Pour que tout puisse changer, évoluer sans cesse, ne jamais être identique à l’instant d’avant, il faut nécessairement que tout soit mais que rien n’existe. Exister revient à durer en l’état, à être condamné à ne jamais changer, évoluer, disparaître pour laisser la place à autre chose ailleurs, etc. Il est est donc évident que Tout Est mais que rien n’existe vraiment. De fait, nous non plus nous n’existons pas. Dans le cas contraire, nous serions condamnés, telles des statues de marbre, à seulement durer en l’état puis à nous user pour disparaître au cours des siècles ou millénaires.

 

Être ne nécessite qu’une chose : se produire au moment considéré. Lorsque notre attention mentale se polarise sur quelqu’un, nous croyons voir une chose qui a un âge, une durée et donc, de l’antécédence, mais en réalité, nous observons une chose unique qui ne sera jamais plus identique à l’absolu et qui ne l’a jamais été auparavant. Seul le temps nous permet de réaliser que rien ne dure, tout change, évolue et varie sans cesse, mais nous ne sommes pas conscients que ce qui varie le plus profondément et d’une manière unique, jamais pareille, c’est l’être humain ! Nous croyons tous avoir une histoire et donc, une durée, voire un destin, qui en est la suite logique. Le destin est la durée projetée dans le temps. Notre logique humaine veut que si nous sommes (verbe être), actuellement, alors nous serons encore là plus tard.

 

La fin de l’êtreté, bien qu’implicite pour l’intelligence, est non-acceptée, car notre prise de conscience ne peut s’appuyer que sur « ce qui est » ou se produit au présent, et non sur ce qui sera ou « pourrait être » ensuite. C’est pour cette raison qu’un être humain a tant de mal à imaginer voire à accepter sa disparition. Pour accepter de ne plus être, il faut un être pour être là et accepter une condition en cours. Or, si un être est là pour témoigner d’une éventuelle disparition, tout ce dont il est le témoin, c’est qu’il est bien là et toujours là !

 

Nous pourrions accepter l’état de « non-être », soit maintenant, soit lors d’un « futur présent », s’il existait un être pour prendre conscience de l’état de « non-être » (s’il pouvait « se voir mort », en somme.) Comme cela est impossible, puisque la seule présence d’un témoin témoignerait surtout de l’absence de « mort », force lui est de devoir attendre l’état nommé « mort » pour le concevoir puis l’accepter comme un fait réel et probant. Mais même là, cela serait une impossibilité mathématique, car témoigner de sa propre mort revient à s’avouer vivant et conscient !

 

Serge Baccino