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Hériter des non-dits des parents
Nous le savons, l’être humain se tord de souffrances morales à cause des non-dits. Ce que nous ignorons peut-être ou du moins, certains d’entre nous, ce sont les origines premières de ces non-dits. Par « origine », je ne me réfère pas nécessairement à un supposé « passé » (temps linéaire) puisque autant, ce « passé » est nécessairement présent en nous, puisque c’est présentement qu’il nous procure des ennuis ! Posons-nous les bonnes questions, juste histoire d’obtenir les bonnes réponses, celles qui, sinon définitives, nous permettent au moins de comprendre définitivement un sujet précis, nous concernant nous-mêmes ou pas. S’il s’agit de la compréhension d’une loi du fonctionnement de l’esprit, alors cette loi est forcément valable pour tous et… Toujours !
Or donc, et pour étayer notre propos, nous prendrons en exemple un homme d’âge moyen (30/40 ans) qui est bourré de non-dits. Que ressent-il, lorsqu’il est pour lui question de s’exprimer librement et franchement ? Il ressent de la peur, assurément ! Et il est moins urgent de définir clairement la nature de cette peur, que d’en comprendre l’origine, voire le mécanisme complet. Pourquoi ne pourrions-nous pas exprimer spontanément ce que nous ressentons ? Réponse : parce que ce même ressenti est bloqué dans son mode expressif uniquement. OK, mais mis à part le mode expressif (littéralement « mettre dehors », comme « exprimer le jus d’un citron »), quel autre mode peut-on trouver en nous ? Nous pouvons trouver le mode mémoriel. Et c’est le premier et le seul qui devrait nous intéresser ici.
En effet, si nous ne réussissions pas à MÉMORISER nos souffrances en tous genres et de toutes natures, comment pourrions-nous réussir à les exprimer ensuite ? Les Mémoires représentent le vécu cumulé, disent certains. Ce qui est plus que simplement incomplet ! En réalité, les Mémoires représentent l’accumulation de nos diverses réactions à ce que nous avons pu vivre « dans le passé ». Un « passé » qui, une fois encore, est bizarrement présent en nous, cela sous la forme mentale de souvenirs. Souvenirs non pas relatifs à ce qui fut vécu, à un moment donné de notre existence terrestre, mais relatif à nos propres réactions face à ce même vécu. Ce qui est immédiatement plus exact et honnête ! Car si le passé était relatif au seul vécu, alors nous ne pourrions jamais changer la vision que nous en avons ! Or, nous avons tous connu de ces moments durant lesquels une expérience passée jugée désagréable et « gratuite », s’était transformée, avec le recul, en une expérience riche d’enseignement et tout à fait logique (ou en rapport avec notre état d’esprit d’alors.)
Évidemment, nous ne pouvons pas changer ce qui s’est produit dans le passé, mais ce n’est pas le passé qui est à l’origine de nos souffrances psychologiques, c’est uniquement ce que nous avons cru bon de retenir de ce que nous avons compris de ce même vécu ! Ce qui change toute la donne, au cas où vous ne le verriez pas ainsi et tout de suite ! Présenté autrement, le vécu est une chose qui se résume à des évènements. Ces évènements sont jugés et ressentis en fonction de notre état d’esprit du moment, c’est évident ! Et comme notre état d’esprit n’est pas quelque chose de stable mais une chose très mouvante ou variable, nos réactions qui dépendent de notre humeur du moment, sont relatives à une chose ponctuelle qui pourra, voire qui devra changer, avec le temps.
Nos humeurs dépendent de nos processus mentaux (ce à quoi nous pensons à un moment donné.) Puisque nos processus mentaux varient, nos souvenirs devraient varier aussi. Dans les faits, il en va tout autrement. Les Mémoires sont relatives au fonctionnement du subconscient, qui ne raisonne que par déduction et association d’idées. De ces mêmes idées qui sont « nôtres » durant parfois seulement quelques minutes à peine, puis qui changent du tout au tout, plus ou moins arbitrairement. En somme, notre subconscient « écrit » nos souvenirs au présent et ne tient ensuite plus jamais compte du temps qui passe, ni de l’évolution de notre état d’esprit. C’est le conscient (ou « moi ») qui doit faire l’effort mental de… Changer d’avis.
Par exemple, le nounours qui nous était si cher, lorsque nous avions encore sept ans, nous semblera désuet une fois rendu à l’âge adulte. Mais même si cela se fait sans que nous le réalisions pleinement, cette transition n’est pas automatique mais procède d’un changement d’avis plus ou moins conscient au sujet de ce qui devrait être pensé et ressenti à propos de quelque chose de précis et de précédemment considéré. Ici un ours en peluche et par exemple. Ainsi, si à huit ans vous pensez que les femmes sont bizarres, difficiles à cerner et peut-être redoutables, en ce qui concerne leurs réactions rarement prévisibles, à l’âge adulte, ces Mémoires géreront toujours votre relation à la femme, vous interdisant par là même d’avoir une relation harmonieuse avec la gent féminine. La mémoire non pas d’un simple vécu, mais de votre propre manière personnelle d’y répondre, sera « gravée » dans vos cellules et votre subconscient veillera toujours à « vous protéger » d’un danger qui n’existait, sans doute, que dans la tête et le cœur d’un jeune enfant.
Autant dire que ceux qui se laissent guider par les Mémoires sont tout, sauf matures ! Ils réagissent toujours « en réponse » à de simples schémas comportementaux issus de la prime enfance, période durant laquelle se sont installés, en leur subconscience, des réflexes qui conviennent parfaitement à de très jeunes enfants, mais qui flétrissent énormément la valeur comportementale d’un adulte. Mais est-il seulement « adulte », celui qui se comporte toujours selon les RÉACTIONS d’un enfant ? À voir. Mais nous disions définir les mécanismes complets des non-dits.
Un enfant ne vient pas au monde « vierge » de toute antériorité, tant s’en faut ! Et ne croyez surtout pas que je puisse me référer ici à quelque supposée « vie antérieure » ! Nul besoin d’antériorité à une chose qui se produit en ce moment et même, à un moment donné ! Peut-on qualifier d’antérieures toutes ces souffrances qui vous pourrissent actuellement la vie ? Permettez-nous d’en douter avec force ! Mais leur cause, alors ? La cause d’une chose qui se manifeste maintenant, doit nécessairement se manifester AUSSI maintenant ! C’est si évident ! Les deux étant inséparables, ce qui cause et ce qui est causé sont non seulement simultanés mais de plus, partagent la même actualité (ici et maintenant.)
Le problème est que si l’effet se produit « extérieurement » et peut être visible des autres et donc, perceptible par soi, la cause, elle se situe dans le mental (et non « ailleurs » ou « avant ») ! Et comme le mental humain est incapable de se concentrer sur plus d’un seul objet d’attention à la fois, soit on peut être conscient de l’une, soit de l’autre. En général, les gens ont leur attention mentale focalisée sur l’extérieur et sur les autres, n’est-ce pas ? Dans ce cas, il est naturel qu’ils ne captent que les effets et jamais les causes. Logique ou pas ? À vous de trancher en la matière. Donc, en nous se trouvent les souvenirs de RÉACTIONS enfantines face à des évènements qui, généralement, concernent les adultes (ou sont créés par eux.)
Du coup, comment voulez-vous qu’un enfant réagisse « comme il se doit » à un évènement quelconque sur lequel il n’a aucune prise et qui, la plupart du temps, dépasse largement sa capacité à comprendre réellement ce qui se passe ?
Ce n’est donc pas l’évènement en lui-même qui est ainsi mémorisé, mais ce qui est pensé et surtout, RESSENTI, à ce moment-là.
Pourquoi croyons-nous tout de même nous remémorer l’évènement, et non pas notre réaction à ce dernier ? Pour deux raisons logiques. La première, que « Tout est double. » Vivant dans un monde de pure dualité, nous ne pouvons pas réagir face à « un » seul pôle de conditions extérieures qui en nécessitent deux pour se produire. En second, parce que le subconscient raisonne par déduction et associations d’idées. Comme on le voit mal mémoriser une simple émotion ressentie mais « sans support », il mémorise seulement le support (évènement), sachant que l’émotion lui restera indéfectiblement liée. Fallait y penser, notre subconscient chéri l’a fait ! Youpi ! Enfin, pas toujours « youpi », certes… Mais, pourrez-vous questionner avec un sens inné de l’à-propos capable de faire rougir un philosophe antique, de quoi dépendent les réactions mentales et émotionnelles de l’enfant confronté à un évènement ?
En voilà une question qu’elle est bonne ! (En français dans le texte.) Nous avons dit que nul enfant ne saurait naître sans antécédence. Ce qui ne veut pas pour autant impliquer une vie avant que de naître ! Plus sobrement, puisque le subconscient de la mère et celui de l’enfant à naître sont le même, durant le stade prénatal (et un peu après), tout ce qui est « inscrit » dans la mémoire cellulaire de la mère, s’inscrit immanquablement dans la mémoire cellulaire du corps de l’enfant à naître. Et c’est là que la somme de non-dits des ascendants (parents, grands-parents) est transférée « en héritage » à l’enfant, alors qu’il n’est même pas encore né et donc, pas encore en mesure de s’opposer à quoique ce soit, ou même d’accepter quoi que ce soit. Une fois les Mémoires transfusées, si nous pouvons dire, les programmes qui contrôleront les réactions (pensées/émotions) du futur adulte, sont installés dans l’enfant. Ainsi pouvons-nous affirmer ici et sans peur de nous tromper, que même nos réactions les plus actuelles et intimes d’adultes, ne sont pas toutes « de nous » et encore moins « pour nous » (à notre avantage.)
Voilà qui devrait suffire pour vous permettre de conduire de fructueuses méditations, non ? À vous de voir !
Serge Baccino