Getting your Trinity Audio player ready...
|
La DDP psychologique expliquée
On pourrait se demander ce qu’est vraiment la connaissance avant même de comprendre à quoi elle sert, éventuellement. Car définir le rôle d’une chose dont on ne connaît pas l’origine est au moins incertain. Or, la connaissance provient de deux sources aussi différentes que contraires, sans pour autant être antagonistes ou opposées. Tout d’abord, il y a « La Connaissance », celle mentionnée par l’ésotérisme depuis toujours et qui est réputée provenir de l’intérieur (du grec « ésotérikos » qui signifie « dedans » ou « intérieur. »)
Ensuite, il y a la connaissance issue de l’extérieur, des autres, de l’expérience, etc. L’idée pourrait être de comparer la connaissance issue de l’intérieur avec celle issue de l’extérieur (« exotérisme ») mais ce serait une erreur. On ne compare que ce qui est comparable, non ce qui diffère et qui semble prévu pour différer, puisque se passant de notre accord préalable pour oser exister. Dès lors, puisqu’il n’est plus question de comparer et donc, de choisir l’une plutôt que l’autre, c’est-à-dire l’une aux dépens de l’autre, il nous reste comme problème de trouver une manière de conserver les deux sans qu’elles ne s’opposent ou mieux encore, soit de les combiner, soit de définir en quoi il est judicieux qu’il y en ait deux au lieu d’une seule, comme cela nous arrangerait mieux.
Mais est-il certain qu’une seule forme de connaissance, issue soit d’un côté, soit de l’autre de notre nature duelle, soit la réponse à nos interrogations, voire la solution à tous nos problèmes liés au fait de « connaître » ou « d’ignorer » ? Puisqu’il existe deux choses, pourquoi ne pas plutôt essayer de comprendre non pas leur raison voire leur droit à l’expression, mais une manière de s’en servir au lieu de supposer gratuitement que l’une quelconque puisse nous desservir ? Car nous croyons vraiment que cette dualité nous dessert et nous cherchons à nous en administrer « la preuve » jour après jour, cela sans même le réaliser vraiment ! Par exemple, nous sommes persuadés que ce que nous connaissons de la vie doit nécessairement CORRESPONDRE à la vie elle-même.
Et inversement. Un peu comme s’il appartenait à la vie de s’aligner sur la connaissance que nous prétendons avoir d’elle. Nous sommes persuadés que nos amis sont véritables, qu’ils ne peuvent pas nous trahir, que ceux qui prétendent nous aimer nous aiment obligatoirement, ou que nos désirs ainsi que notre volonté personnelle « font loi » ! La liste est longue au sujet de ce que nous prétendons savoir de la vie, des choses et des êtres, par rapport à tout ce qu’ils cherchent à être, indépendamment de nos désirs et surtout, de notre volonté. En clair et pour résumer l’affaire, nos désirs sont rarement assouvis et notre volonté semble se heurter sans cesse à celle des autres, comme si l’un des deux – soit nous, soit les autres – avait comme problème majeur une incapacité à RÉPONDRE aux attentes de l’autre, et réciproquement.
A vrai dire, nous pourrions même en arriver à la conclusion illuminante, ou presque, que c’est la Différence De Potentiel (DDP) entre notre vérité et celle, à l’extérieure (la vie, les autres, etc.,) qui est à l’origine de nos souffrances ! Et si c’est bien le cas, alors il ne nous reste plus que deux options pour ne pas ou pour ne plus souffrir : sacrifier l’une de ces deux connaissances, de soi ou du Monde. Par exemple, nous pourrions et pourquoi pas, inventer une philosophie passive, pour ne pas dire autre chose, nous proposant de sacrifier notre vérité (volonté + désirs personnels) sur l’Autel sacré de la Connaissance extérieure. Cela nous permettrait de ne plus souffrir, car cela éliminerait toute DDP entre notre intériorité et le Monde extérieur. Toutefois, même en supposant aimablement que la souffrance puisse ainsi disparaître, cela n’indique pas pour autant que nos désirs et notre volonté puissent en faire autant !
Finalement, la souffrance est-elle vraiment issue de cette DDP ou du moins, dans ce sens-là de notre raisonnement ? Mais pas d’affolement : il nous reste encore la seconde solution, aussi opposée que complémentaire ! Nous allons supprimer cette DDP, cela en supprimant de notre vie, la connaissance extérieure ! Comment ? Rien de plus simple : nous allons définir puis installer en nous, comme prémisse irréversible, que nous avons toujours raison, voire « nos raisons » d’être et d’agir comme nous sommes et agissons sans cesse, et bien entendu, l’extérieur et les autres auront toujours tort ! Quelle excellente astuce que celle-là ! Ne pensez-vous pas ?
Bon, certes, rien n’indique que nous soyons dans « le vrai » mais si l’on supprime l’un, nous supprimons du même coup toute trace d’altérité en ce qui concerne la connaissance ! Il n’existe plus et désormais, qu’une seule forme de connaissance et il s’agit évidemment de la nôtre ! Mais quelle beauté ! Quelle ingéniosité, pourrions-nous dire sans la moindre chance de nous abuser ! N’est-ce pas ? N’est-ce pas ??? Ah ! Misère… Mais comment savoir ? Comment en être certain, en fin de compte que nous ne sommes pas en train de nous abuser ? Avons-nous trouvé le moyen dernier de ne jamais plus être « dans l’erreur » ou – et au contraire – le moyen définitif de perdurer dans l’erreur et de rater à chaque instant de notre vie, le bus de la vérité ? Mais qu’est-ce que la vérité ? Au fait, mais oui ! Qu’est-ce que la vérité ? La nôtre ou celle des autres ? Nous voici repartis dans un autre dilemme, pour ne pas dire rendu dans un autre cul-de-sac psychologique ! Voire un cul de basse-fosse !
La solution serait-elle de conserver les deux formes de connaissances impliquant sans doute deux formes de vérités ? Mais dans ce cas, n’allons-nous pas aussi, voire surtout, conserver intactes chacune de nos anciennes souffrances ? Mais est-ce là la vraie question, au fait ? Avons-nous cessé de souffrir en sacrifiant notre vérité au profit de celle des autres, ayant pour seule connaissance que celle partagée par chacun et donc, par tous ? La réponse est non, bien évidemment ! Se ranger du côté du plus fort ne peut faire de nous qu’un faible qui a trouvé le moyen non pas d’être fort mais de trouver un but à sa propre faiblesse. Dans le sens opposé, la souffrance était encore plus grande, car à celles déjà en place s’est ajouté l’effort d’imposer sa vérité sans réussir à l’imposer vraiment. Et se retrouver seul à penser une seule et même chose n’a rien de bien valorisant, surtout lorsqu’on réalise que les autres conservent leur propre vérité et y ajoutent la haine pour ce que nous sommes devenus sans même le souhaiter.
Ainsi et dans les deux cas et à chacune de ces deux tentatives différentes, car carrément opposées, plutôt que de l’harmonie est né plus de disharmonie encore. Et le pire, c’est que les deux formes de connaissances et donc, de vérités, sont restées en place, malgré notre tentative de n’en conserver qu’une seule pour tous. La solution serait-elle d’inventer une troisième forme de connaissance et donc, de vérité ? Essayons pour voir, qu’est-ce que cela peut nous coûter, si ce n’est la prise de conscience douloureuse qu’une fois encore nous nous sommes trompés ? Alors essayons ! Inventons une troisième qui, sans doute, ne sera pas pire que chacune des deux premières, prises séparément. Voici cette connaissance nouvelle :
« En vérité, chacun de nous a sa propre connaissance et donc, sa propre vérité, et aucune d’entre elle ne doit être partagée par les autres, cela au risque de perdre leur propre vérité au profit non plus de celle des autres, mais de celle d’un autre seulement. »
Alors ? Qu’est-ce que cela donne ? Cela donne la même chose, quelle misère ! Cela produit l’isolement, la séparation du frère avec sa sœur, du mari avec sa femme, puisque désormais chacun est enfermé dans sa propre vérité ! Nous venons d’inventer le cloisonnement et voici qu’à l’horizon se profile une construction gigantesque qui semble s’élever vers les cieux dans l’espoir d’en prendre le contrôle… Une Tour immense dans laquelle chacun parle un langage qui lui est propre, ce qui fait que plus personne ne comprend ce que raconte l’autre. Mais cette fois quelque chose a changé : désormais, nous ne savons plus et donc, nous ne pouvons plus revenir en arrière et nous remettre à parler une langue que quelques-uns au moins puisse comprendre, ne serait-ce que pour retrouver cette joie ineffable de « ne pas être d’accord » et de critiquer avec fougue une vérité ne correspond pas à la sienne propre.
Car même pour ne pas être d’accord, pour critiquer, flétrir et même condamner, encore faut-il réussir à COMPRENDRE VRAIMENT ce que raconte un autre ! Et là, hélas, plus personne ne semble pouvoir comprendre l’autre ou les autres.
Allons-nous devoir de nouveau faire un choix, à savoir soit exiger d’autrui qu’il abandonne sa langue maternelle au profit de la nôtre, soit abandonner notre propre langue au profit de celle d’un autre ? Mais quel autre, cette fois ? Tous parlent un langage différent et il n’en est pas un seul qui puisse parler un langage commun. A moins que… A moins que ce problème n’ait droit de citer qu’au sein de cette tour immense qui tente de voler les cieux sans jamais y parvenir ? Il y aurait-il d’autres humains qui, ne vivant pas dans cette tour et n’y ayant jamais vécu, aient conservé intacte une Langue Originelle, une Langue que chacun puisse de nouveau apprendre afin de réussir à se faire comprendre de chacun et chacun de tous ? Mais quelle langue ? Une troisième ? Une quatrième ? Une qui est nouvelle ou bien est-ce le fait de lui permettre de nous toucher qui soit nouveau ? Auquel cas, tout en étant très ancienne, cette Langue serait en même temps nouvelle, puisque jamais apprise à notre époque ? Jusqu’à présent, qu’avons-nous expérimenté ? Des solutions minables et de toute façon invivables, à un problème présumé.
Et si ce problème présumé tel, n’était pas un problème mais au contraire, La Solution ? Voire la dissolution de tous nos problèmes, qu’ils soient secondaires ou majeurs ? Ceux qui parlent encore La Langue Originelle ont-il suivi le même cursus que nous ou bien sont-ils resté fidèles à cette Langue, à ce Langage commun à toute l’humanité, du moins cette partie de l’humanité restée fidèle à ce qu’elle devait être et a été en fin de compte ? Dans tous les cas, que ce Langage soit ancien, nouveau ou même éternel, quelle importance du moment qu’il nous enseigne la seule chose jamais apprise et donc, jamais comprise, à savoir « Comment faire cesser la souffrance » ?
Alors, voici cette Langue Originelle et voici ce qu’elle dit. Elle nous apprend que ce que nous sommes, pour le moment, dépend uniquement de ce que nous avons déjà compris de tout ce que nous sommes par ailleurs. Elle dit aussi que comprendre revient simplement à VIVRE en fonction du peu qui a déjà été compris. Mais il y a tant de choses à comprendre encore, tant de chose à apprendre à notre propre sujet, que notre vie durant, nous devrons oser lâcher l’ancienne vérité de notre être pour réussir à embrasser une nouvelle vérité.
Mais aucune de ces vérités qui se présente tour à tour à notre mental n’est contradictoire, car toutes les vérités sont capables de cohabiter et même, de s’associer et de s’organiser en fonction de ce qu’elles énoncent. La vérité est quelque chose de progressif, car en vérité, nous ne pourrions comprendre d’un seul coup « Qui nous sommes vraiment » ou quelle est l’étendue véritable de notre Nature la plus intime. La Connaissance se résume à apprendre sans cesse la différence qui existe encore entre « Qui nous sommes » et qui nous pourrions être par ailleurs, encore et encore.
Du coup, la vérité qui est présentement la nôtre n’est ni « bonne » ni « mauvaise » : elle est juste incomplète et elle le demeurera toujours ! Mais pour qu’elle se complète et cela, à notre propre vitesse, il faut que ce qui est encore considéré comme « extérieur », vienne graduellement s’ajouter à ce que nous croyons être « intérieur. » Car en vérité, ce qui nous semble « intérieur » est en réalité ce qui nous est déjà acquit, tandis que ce qui nous semble « extérieur » correspond à tout ce qu’il nous reste à acquérir encore. Et cette progression graduelle est sans limite et donc, sans aucune fin. Celui qui la refuse ne se contente pas de se mettre à l’abri de l’adversité ou de ce qui lui est soi-disant « étranger » : en vérité, il se met à l’abri de Lui-même, tel qu’il s’ignore encore, de peur de « perdre » ce qu’il croit être déjà et qui consiste en ce qui le prive de tout ce qu’il n’est pas encore.
Voici la Réponse non pas à toutes nos souffrances seulement, mais la Réponse de l’homme à tout ce qu’il lui reste à être, et ce qu’il lui reste à être lui sera éternellement proposé ou présenté, depuis ce qu’il jugera toujours comme étant « extérieur à lui », ce qu’il est déjà le privant nécessairement de tout ce qu’il lui reste encore à être, si ce qu’il est déjà persiste à s’opposer bêtement à tout ce qu’il n’est pas encore. Voilà la seule, l’unique vérité qui ne variera jamais !
Serge Baccino