Le petit « moi » et le grand Moi

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Le petit « moi » et le grand Moi

 

Normalement, nous devrions tous avoir un « moi » unique, complet et surtout, cohérent. En réalité, nous sommes fractionnés et, pour le moins, en état de dualité psychologique quasi constante. Cela est dû au fait que nous n’avons pas vraiment un « moi » mais deux ! En l’homme se disputent deux états d’esprit différents, que les psy éso ont décidé de nommer « le grand Moi et le petit moi ». Le grand Moi, c’est nous tels que nous sommes vraiment, ou du moins, tels que nous aurions dû être si quelque chose se trouvant désormais en nous ne s’y opposait pas constamment. C’est cette opposition constante, ce combat intérieur intime, qui est à l’origine de bien de souffrances inutiles mais pourtant bien présentes et même, persistantes autant qu’insistantes.

 

Le grand Moi passe son temps à nous transmettre notre volonté ainsi que nos désirs réels, c’est-à-dire toutes ces choses qui sont en nous mais qui sont effectivement à nous, de nous et pour nous, surtout. C’est, des deux, la partie la plus facile à comprendre, du moins au début. Quant au petit « moi », nous touchons là à un sujet non seulement délicat mais surtout difficile à accepter. Nous concevons volontiers que d’autres puissent nous faire du mal ou même tenter de nous en faire, mais nous avons un peu de mal à imaginer que la plupart du temps, c’est nous qui utilisons les autres pour réussir à nous nuire seuls ! Ce qui est très humain, certes, mais n’en reste pas moins un problème supplémentaire, voire le principal problème !

 

En effet, que d’autres puissent avoir l’intention de nous nuire, qu’ils y parviennent ou non, nous semble presque naturel, normal ou, à tout le moins, concevable. Ce qui nous semble inconcevable, par contre, c’est que nous puissions avoir envie de nous faire du mal à nous-mêmes ! L’idée que la chose soit « inconsciente » ne nous rassure pas pour autant, bien au contraire ! En fait, le « moi » ne peut pas faire partie de l’inconscient ou, du moins, il ne devrait pas être en relation avec lui. Pourquoi ? Parce qu’il est impossible, en temps ordinaire, de souffrir sans en connaître la raison. Par « raison », il faut entendre « être conscient au moins de l’origine de cette souffrance. » Par exemple, si nous avons une carie, nous savons du même coup pourquoi nous avons mal aux dents !

 

Il devrait en aller de même avec le petit « moi », qui consiste en la somme d’enregistrements de tous les interdits, les refus, les contraintes, limites posées et vexations endurées dans la période de l’enfance. Dans le « moi » se trouve enregistré et par exemple, que « nous avons toujours tort », que « nous sommes bêtes », que « personne ne nous écoute vraiment » ou encore que « nos actes n’ont aucune valeur et donc, nous non plus. » (Etc.) Tout ceci a été dit ou laissé entendre par nos parents et/ou ceux qui ont eu la lourde charge de nous élever ou de nous éduquer (et qui ont sans doute fait de leur mieux, cela dit.)

 

Quelle est la différence entre le contenu formel du petit « moi » (ce qu’il raconte) et les démons, par exemple ? Car à première vue, les deux se ressemblent tant qu’ils pourraient aussi bien être confondus ! Nous pourrions déjà dire que le démon nous pousse à agir d’une manière contraire à notre volonté. Ce qui implique que nous ne sommes jamais d’accord avec nos démons ! À l’inverse, une partie de nous s’est appuyée sur les allégations de nos géniteurs et de bien d’autres, par la suite, pour établir notre profil psychologique personnel. Autant dire qu’en règle générale, nous sommes d’accord avec les prétentions de notre petit « moi », de même que nous sommes nécessairement en accord avec les prétentions de notre « Moi-Idéalisé. »

Moi-Idéalisé qui, soit dit en passant, n’existerait même pas sans la présence, en nous, du petit « moi » ! Car sans le petit « moi », il n’y aurait rien à nier ou à compenser, par exemple. Deux des rôles majeurs du M.I., si vous en avez souvenance.

 

Mais comment pourrions-nous être d’accord avec ce qui nous fait souffrir ? C’est là qu’il est précieux de se montrer attentif et de ne pas craindre de s’attaquer à des subtilités spirituelles ! Il n’est pas exact d’affirmer que nous sommes d’accord avec ce qu’affirme encore et toujours le contenu du petit « moi ». De même que nous ne saurions cautionner la souffrance qui en résulte. C’est un fait ! Cela dit, nous devons nous souvenir qu’à force de nous entendre dire (par exemple) que nous sommes « un bon à rien » ou que « nous n’écoutons jamais les autres » (etc.,), nous en arrivons à le croire, voire à en être persuadés ! Là est la subtilité, car si ce sont bien « les autres » qui nous ont accusés, jadis, d’être trop ceci ou pas assez cela, QUI a fini par le croire ? Qui en est devenu, à force, persuadé ? La réponse est terrifiante : c’est nous et uniquement nous !

Bon sang ! Il fallait y penser, ne croyez-vous pas ? Et pourtant ! Est-ce si compliqué que cela à comprendre, d’un point de vue purement intellectuel ? La réponse est « non ».

 

Par contre, c’est très difficile à admettre ! Surtout après des années de souffrance ! Autant avouer franchement que… Tout est de notre faute, uniquement ! En effet, ce dont nous sommes persuadés ne peut être imputable à autrui, n’est-ce pas ? De même que le coup de marteau que le menuisier se met sur ses propres doigts, ne peut pas être imputable au manque d’attention, à la négligence ou au manque d’adresse du voisin. Et c’est lorsque nous en sommes rendus à cette étape cruciale, qu’il est nécessaire de se montrer prudent et de ne verser dans aucun extrême. Nous ne devons pas « nous en vouloir », car cela augmenterait ou ferait durer la souffrance morale.

Nous ne devons pas non plus en vouloir à nos géniteurs, car ce que nous ressentons, même envers les autres, ne peut affecter que nous ! Comprenez-vous bien ? Alors quoi ? Que faut-il faire ou comment devrions-nous réagir ?

 

En réalité, il n’est absolument pas question de réagir mais bien d’agir et ce, peut-être pour la toute première fois de notre vie ! Car plus jeune, nous ne faisions en fait que RÉAGIR et jamais nous n’étions libres D’AGIR vraiment. Pour agir, il faut être libre, à la fois physiquement et moralement. Et nous n’avions ni l’une ni l’autre comme liberté, étant encore enfant. Votre petit « moi » est donc formé par la somme des idées avilissantes ou limitatives NON PAS que l’on vous a proposés, plus jeunes, mais bien celles que vous avez retenues et conservées, par la suite ! Relisez bien ces dernières lignes, en gras, car elles contiennent UNE clef essentielle de votre libération psychologique !

 

Et cette clef se résume au fait D’ASSUMER ou NON votre part de responsabilité dans toutes ces souffrances que VOUS vous êtes imposés, DEPUIS la fin de votre enfance, c’est-à-dire depuis le jour où vous auriez pu NIER tout ce que l’on a essayé de vous faire croire à votre sujet. Mais hélas, comme vous l’avez cru, vous êtes devenus de ce fait responsables de vos souffrances et avez en fait repris à votre compte le rôle de tyran que vous pourriez encore donner à vos géniteurs ou à toute autre personne ayant eu, jadis, un ascendant psychologique sur vous. Aujourd’hui, ce sont vos propres croyances et souvenirs personnels qui forment l’essentiel de votre petit tyran intime et qui sont à l’origine de ce combat intérieur provoquant tant de souffrances inutiles par ailleurs.

Car si souffrir peut éduquer voire renforcer l’âme, toujours souffrir de la même façon et pour les mêmes raisons, affaiblit l’âme, en plus d’être parfaitement stupide.

 

Comment accéder au petit « moi » afin d’au moins le voir à l’œuvre, voire le prendre en flagrant délit de contradiction ? Il suffit de se souvenir de ce que nos parents et éducateurs (ou professeurs) divers nous répétaient inlassablement, puis de le comparer avec ce que vous RESSENTEZ tandis que vous désirez dire ou faire quelque chose mais que vous n’êtes pas en concordance avec cette volonté ou ce désir. En clair, si vous désirez faire une chose plaisante sur le coup mais que VOUS RESSENTEZ une émotion contradictoire ou opposée, vous pouvez être certains que vous êtes bien en présence d’une des « lois » arbitraires de votre petit « moi », qui reprend le rôle tyrannique de ceux qui vous ont contrariés durant votre enfance. C’est en fait plus facile à mettre en œuvre, qu’à expliquer à l’aide de mots nécessairement limités.

Voilà qui devrait suffire à de fructueuses méditations !

 

Serge Baccino