Le principe de non-décélération psychologique

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Le principe de non-décélération psychologique.

 

Si les termes employés pour désigner ce qui est proposé ici ont l’air quelques peu rébarbatifs, ce qu’ils tentent de rendre accessible à l’entendement est relativement simple. Tous les enfants qui ont joué dans des rues en pente avec des patins à roulettes, des « carrioles » (pour les plus vieux) ou même des planches à roulettes, ont vécu ce que j’explique ici mais en rapport avec la psychologie comportementale. Imaginez que vous êtes dans une rue bondée, qui est en pente et que vous désiriez vous mettre à courir. Vous prenez de l’élan et… Zut ! Vous stoppez, car une personne venant en face allait vous percuter. Prudent, vous décidez alors d’accélérer progressivement votre allure, sans chercher à courir vraiment et en évitant chaque personne arrivant de front. Mais vous voici arrivé au bout de cette longue rue en pente, sans avoir pu seulement accélérer votre marche.

Dépité, vous décidez de recommencer le lendemain. Le jour suivant pour éviter la foule, vous décidez de faire votre petit footing à une heure différente de la veille. Parvenu à la longue rue en pente, vous avez l’agréable surprise de constater que tous les usagers descendent cette rue en pente. Personne ne la remonte. Vous vous mêlez à la foule et tentez à nouveau de prendre une allure de footing. Mais bien que tous aillent dans la même direction que vous, vous réussissez juste à marcher d’un pas alerte, car personne ne court et le nombre de personnes vous gêne dans votre allure.

 

Agacé, vous rentrez chez vous et tombez sur un article dans votre quotidien, qui annonce le départ d’une mini-course prévue pour des adolescents mais à laquelle les parents peuvent prendre part librement. Ravi, vous décidez de vous joindre à cet évènement sportif. Le lendemain, vous arrivez dans la rue juste avant que ne soit donné le départ de la course. Discrètement, vous vous mêlez à la foule de jeunes et de moins jeunes gens et attendez le top départ. Lorsque ce dernier retentit, vous démarrez joyeux et, bien entendu, sur le rythme léger qui est le vôtre. Mais ceux qui sont derrière vous semblent vouloir courir plus vite. Alors vous jouez le jeu et accélérez le rythme, même si cela vous chagrine quelque peu, car vous le jugez un peu trop rapide. Tant pis, la rue est très longue et vous avez tout le temps de ralentir, le cas échéant. Le problème est que les coureurs eux, loin de vouloir ralentir, accélèrent de plus en plus ! Vous tentez de suivre mais réalisez qu’à ce rythme, vous ne tiendrez pas longtemps le coup, car vous manquez affreusement d’entraînement, à l’inverse de ces coureurs qui semblent parfaitement à l’aise avec ce rythme soutenu.

 

Finalement, à votre grande joie, vous gagnez enfin la ligne d’arrivée. Ou plutôt, vous êtes poussé jusqu’à elle ! Quelques mètres plus loin, vous sentez vos jambes vous trahir et vous retrouvez sur le sol, haletant et avec un magnifique « point de côté. » Vous essayez de comprendre ce qu’il vient de vous arriver et vous comprenez que, tout bêtement, votre volonté de courir a été littéralement « portée » par la volonté groupée de tous les autres et qu’en fait de courir, vous avez plutôt été poussé à le faire. Mais plus du tout à votre rythme. Vous en déduisez qu’avant de vous associer à un groupe de personnes partageant apparemment vos goûts, vous testerez, au préalable, votre capacité à les suivre, certes, mais cette fois-ci, par vos propres moyens !

 

Cette mésaventure vous en rappelle une autre, beaucoup plus ancienne celle-là. Vous aviez dix ans et vous commenciez à peine à vous initier aux joies des patins à roulettes. Pour faire comme vos camarades, vous vous trouviez alors en haut d’une rue autrement plus en pente que celle que vous venez aujourd’hui de descendre. Trois gamins de votre âge, sales comme c’est pas Dieu permis, se tenaient à vos côtés, un sur la droite et deux sur votre gauche. Ils se préparaient à « faire une descente » mais eux, pour la énième fois, et au vu de leurs coudes et de leurs genoux quelque peu écorchés, vous n’étiez pas spécialement enthousiaste à l’idée de tenter votre toute première descente. Il est vrai que sur des patins à roulettes, les freins sont bien cachés ! Surtout sur les patins des années soixante-dix !

 

Mais vous ne pouviez décemment vous soustraire à cette initiation populaire et prenant votre courage à deux mains, vous vous êtes enfin élancé. Sans doute un peu trop vite et un peu trop fort à votre goût et dès les tout premiers mètres. Et vous voici lancé dans cette descente qui semblait ne plus en finir. Le problème n’était pas vraiment la vitesse, du moins, au départ. Le problème était que cette vitesse, loin de diminuer ou de demeurer constante, ne cessait d’augmenter, cela au point ou vous avez fini par vous demander s’il était possible de demeurer droit sur ses jambes à de telles vitesses ! Durant une seconde, vous avez imaginé une personne bienveillante venant brusquement à votre secours et vous saisissant vigoureusement par un bras, vous empêcherait ainsi de laisser l’essentiel de votre dentition contre le mur qui, sournoisement, terminait cette maudite pente.

 

Mais c’est un caillou qui, faute d’une âme charitable, finit par vous sauver. Ou presque. Cela en venant se placer d’une manière impossible à concevoir et encore moins à reproduire, entre une roue avant de votre patin gauche et la monture de fer sur laquelle viennent se visser les roues. Le patin se bloqua instantanément, vous permettant de produire une figure acrobatique digne d’une chorégraphie de patinage artistique. Au grand plaisir de vos trois camarades s’entend, dont l’un se surprit même à applaudir. Résultat de la voltige suivi d’une chute mémorable ? Seulement quelques éraflures cuisantes mais un ego passablement malmené.

 

Il est un fait que lorsqu’on est le seul à descendre une pente et que rien ne vient plus nous ralentir ni nous créer d’obstacle, la vitesse peut rapidement devenir exponentielle. C’est le principe de non-décélération psychologique (expliqué plus loin), ramené ici à de simples lois de la physique qu’il nous est inutile d’évoquer. Mais qu’en est-il au sujet du comportemental, du psychologique ? Nous avons tous été plus ou moins confrontés à ce principe, mais comme la plupart des gens ignorent le nom donné par les psy éso, ils ne peuvent que se fier à leurs observations ainsi qu’à leur intuition pour comprendre ce qui se passe en l’occurrence.

 

 

En fait, tous les parents connaissent ce principe mais se l’expliquent différemment. Ils savent que s’ils laissent passer trop de caprices à leurs enfants, ces derniers deviendront rapidement intenables. De même s’ils n’arrivent pas à se faire respecter, c’est leur progéniture qui prendra le pouvoir et il ne sera plus possible, par la suite, de faire appel à leur respect. Nous pourrions donc en déduire que si nous laissons les choses nous dépasser, si nous ne savons plus quoi faire pour stopper (ou ralentir) un mouvement mental (idée, comportement) quelconque, ce dernier « prendra de la vitesse » du fait de l’absence d’opposition et deviendra rapidement compulsif. Pour toute personne se voulant rationnelle et logique, la chose peut paraître on ne peut plus négative, voire dramatique dans certaines situations. Mais pour le psy éso, adepte de la moindre résistance, voire de l’absence totale de résistance à l’effort, le principe de non-décélération est un précieux allié. Du moins si on sait patienter et attendre son heure sans broncher.

 

À présent, imaginons un pays dans lequel le peuple se croit en démocratie depuis des décennies, mais qu’il se trouve en fait « sous l’occupation » d’êtres peu évolués, très envahissants mais assez réfléchis pour ne pas non plus détruire ce qu’ils se proposent de conquérir. Un peu comme le fit Hitler, durant la Seconde Guerre mondiale et qui donna pour stricte instruction à ses bombardiers de ne détruire aucun monument célèbre et ancien. En effet, si conquérir un pays se résume à hériter finalement de ses ruines fumantes, à quoi bon ? Quant au peuple, symbole parfait de la vache à lait aux pies intarissables, mieux vaut ne pas le traire plus que de raison, son rôle étant de durer et non de périr sous la traite. Et en effet, durant l’occupation nazie, les monuments étaient respectés et les officiers tentaient par tous les moyens de faire croire aux vaincus, qu’ils avaient tout intérêt à collaborer, que c’était pour leur bien et que, finalement, la vie n’était pas plus difficile ou mauvaise qu’auparavant, etc.

Bien que quelques-uns n’étaient pas de cet avis, mais ils étaient fort rares, la masse populaire décida très vite de plier l’échine et d’obéir. Quoi faire d’autre, sinon ? Les maquisards étaient-ils si intelligents que cela, en fin de compte ? Ne mettaient-ils pas plutôt le peuple en grand péril d’éventuelles représailles ? Des questions que se posent tous les peuples « sous occupation », mais pas allemande cette fois.

 

Il est un fait que parfois, lutter contre l’adversité ne fait qu’en renforcer les assauts, en plus de faire durer plus longtemps les souffrances induites. Mais que vient faire ici, et très exactement, le principe de non-décélération ? Il est là pour rappeler déjà et à tous les enfants du monde, que lutter contre l’autorité parentale ou manquer de respect à ses aînés, à ceux-là mêmes qui nous donnent à manger et nous permettent d’avoir chaud et un toit sur la tête les soirs d’hivers, n’est pas une solution viable à long terme. À la fin, c’est l’enfant lui-même, devenu grand, qui le paye et même chèrement, même s’il n’a alors plus assez d’intuition pour relier sa déchéance sociale et mentale actuelle à cet ancien état d’esprit frondeur. Il est clair qu’avec la disparition de l’autorité, disparaît également la capacité de lutter. Capacité qui s’étiole ensuite presque complètement, sauf dans certains cas plus vicieux d’êtres (si peu) humains qui ont compris qu’ils ne se sentent fort qu’aussi longtemps qu’une forme quelconque de lutte existe. C’est ce que s’imaginent du moins tous les loubards de nos citées surpeuplées qui exhalent la misère morale.

 

Dans ce cas, n’importe quelle femme devient le symbole de maman, une mère à laquelle ils vont faire payer pas mal de choses, plus ou moins précises, mais peu importe, du moment qu’ils peuvent se venger. Et par extension, n’importe quel homme devient un papa, ce père si autoritaire auquel on va faire fermer son bec, que l’on va voler, frapper ou humilier d’une quelconque façon. Quant aux autres loubards, leur statut est tout à fait à part : ils incarnent les frères ou les sœurs qui ont souffert ensemble de la vindicte de « dieu papa » et de « déesse maman ». Il faut bien se serrer les coudes entre victimes d’un système qui représente l’autorité absolue.

 

Dans le cas de ce pays imaginaire se croyant en démocratie mais étant passé d’un régime monarchique à un régime dictatorial déguisé en république bien propre sur elle, certains, faute de maquis, prennent la mouche et se demandent si on ne les prendrait pas un peu pour… Pour ce qu’ils ont été jusqu’à ce jour de réveil en fanfare ! Faute d’oser crier « Aux armes citoyens » puisque l’idée sentirait un peu le réchauffé, faute de trouver assez de pavés pour s’en servir de projectiles contre les New SS de rigueur dans tout régime d’occupation, ce sont les mots qui, désormais, sont lancés à la face des occupants, via des réseaux plus ou moins vendus, justement, à l’occupant. Mais si les mots peuvent blesser ceux qui possèdent encore une âme sensible, elle n’est que de peu d’effet sur nos envahisseur. Ces derniers, loin de se lamenter, se réjouissent à propos de deux choses très révélatrices : la résistance moderne est peu efficace, pour rester poli, et le nombre de maquisards est ridiculement faible. Tant que le reste du peuple suit et marche en dormant, pourquoi s’inquiéter de ces velléités d’existence ?

 

Et puis il y a les pétitions ! Ah, les pétitions ! Quelle merveilleuse invention ! Pour les forces d’occupation s’entend ! Et le plus amusant de l’histoire, c’est que c’est le peuple lui-même qui a lancé cette mode et qui s’en sert à tour de bras dans l’espoir immature de se donner bonne conscience ! « Vous comprenez, Madame, moi j’ai signé une pétition ! Et nous arrivons bientôt à dix mille signatures, ce n’est pas rien ! Les autorités devront nécessairement bouger ! » Et en effet, les instances supérieures « bougent. » Elles se dodelinent de rire dans leur fauteuil de ministres, en observant des millions de personnes essayer de ne pas voir ce qui bientôt les rendra définitivement aveugles. Toutefois, on peut rire et avoir la présence d’esprit de donner un peu de foin de temps à autre à un âne qui ne cesse de braire dans son étable. Ne serait-ce que pour en atténuer le bruit peu agréable. Il désire sortir, certes, mais pour cette fois encore, il devra se contenter d’un peu de foin. Et s’il ne se tait pas, nous lui donnerons du bâton ! En général, il se calme tout de suite. Surtout si juste après on lui allume la télé placée en face de lui et au-dessus de son auge.

 

Du coup, la satisfaction au sujet de certaines réclamations de second ordre, sans importance réelle donc, est quelquefois offerte au public. Une ou deux pétitions portent leurs fruits de temps à autre, oserons-nous dire ici et pour ne froisser personne. Mais c’est en fait sous la forme de ce genre de deal plus ou moins tacite que se propose cette immense victoire populaire : « Bon, OK, arrêtez de beugler, on a compris ! Si on accepte de réduire de 2 % les produits chimiques mortels contenus d’office dans le maïs réservé à la nourriture des vaches de chair, vous nous laisserez en paix pour brûler ce qui reste de la forêt en Amazonie ? » Il est vrai, l’Amazonie, c’est toujours « loin », surtout quand on n’y habite pas.

 

Est-ce que nous sommes en train d’essayer de faire passer l’idée qu’il existe des peuples qui sont vaincus depuis l’intérieur par un ennemi faisant partie de ses propres rangs, et que ces mêmes peuples, désireux de rester aveugles à leur condition, usent de stratagèmes naïfs et rarement opérants, pour se donner l’illusion que leur voix a du poids et donc, de l’importance ? La réponse est très franche : OUI ! C’est exactement ce que nous affirmons ouvertement. Affirmons-nous également que c’est en faisant mine de lutter contre un régime dictatorial que nous lui permettons de s’adapter un peu mieux à chaque fois et donc, de durer plus longtemps encore ? La réponse est oui, également ! OUI ! Car ce contre quoi nous luttons nous renforce, certes, mais seulement en termes d’évolution des âmes humaines, pas en termes d’évolution planétaire et politique.

Par contre, cela renforce et fait durer plus longtemps ce contre quoi nous combattons. Ceux qui doutent du bien-fondé de nos propos devraient un peu mieux étudier l’histoire du Monde et considérer le nombre de pays ayant joui et jouissant encore, d’une authentique démocratie. Même sur les derniers dix mille ans, les doigts d’une seule main suffiront amplement à ce type de comptabilité.

 

Pour en terminer avec ce pays imaginaire, partons de l’idée que, tout à coup, les forces d’occupation ne rencontrent plus du tout de résistance : que va-t-il se passer ? Auront-ils « gagné », nous voulons dire gagner une chose qu’ils ne possédaient pas auparavant, à savoir le pouvoir absolu sur les masses et donc, sur chaque personne qui la compose ? Ou alors ces mêmes occupants vont-ils enfin « se lâcher » et se laisser aller librement, puisque ne rencontrant plus aucune forme (ou raison) de décélérer dans cette pente vertigineuse dans laquelle ils s’étaient jadis engagés ? Avant, il y avait trop d’obstacles à leur soif de pouvoir démesurée mais si ces obstacles disparaissaient, qu’est-ce qui pourrait bien freine, désormais, leur accélération exponentielle ?

Et si un jour ils devaient à nouveau non pas s’arrêter, cela leur est déjà impossible, mais seulement ralentir, le pourront-ils ? La réponse est sans appel : NON ! Ils ne pourront pas et cette course folle à la suprématie risque fort de très mal se terminer pour les forces d’occupation qui parlent la même langue que le pays occupé.

 

Voilà ce qu’est le principe de non-décélération psychologique : une fois qu’une personne a pris goût au pouvoir et que plus personne ne se place en travers de son chemin pour la ralentir mais aussi, pour la renforcer, la rendre plus expérimentée et efficace, elle acquiert alors une vitesse telle, que le moment venu pour elle de ralentir puis de s’arrêter, elle en est totalement incapable. Mais dans ce cas, nous serons alors très, très loin de simples écorchures aux genoux et… À l’âme !

 

Serge Baccino