Quand le moi baptise le Soi

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Quand le moi baptise le Soi

Revisitons tout d’abord un passage de la Bible Chrétienne qui, comme chacun de nous devrait désormais le savoir et l’accepter, n’est pas un livre religieux mais un manuel de psychologie comportementale à l’attention des initiés de tous les temps. Au départ, il y avait 5 livres écrits par de grands êtres à l’attention des étudiants de l’ésotérisme original (ou de base, c’est-à-dire hors toute tradition.) Le fait que les catholiques aient transformé ces cinq livres ésotériques originels en un seul volume nommé « Bible », n’enlève en rien, ou presque, à la beauté et à la profondeur du contenu des ouvrages originaux. Même si, hélas, certains outrages majeurs ont été commis à l’endroit des textes originaux, pour celui qui détient les bonnes clefs de lecture, ce qui est devenu « la Bible » est encore capable de nous inspirer, voire de nous guider, des siècles après son vol.

 

Observons donc de plus près, et selon une lecture très différente, le passage du baptême dans le Jourdain, lorsque Jean-le-Baptiste qui est en train d’officier, voit Jésus s’avancer vers lui et attendre son tour. Que disent les versets en présence ? Ils expliquent que lorsque Jésus se présente devant Jean-le-Baptiste, le second réclame du premier d’être baptisé par lui. Jésus lui répond qu’il est naturel qu’il soit, lui, Jésus, baptisé par Jean et non l’inverse. N’est-ce pas son rôle, après tout ? Pour bien comprendre ces versets bibliques et en saisir le sens symbolique et initiatique profond et surtout, premier, il est nécessaire de connaître le sens ésotérique exact du baptême. À l’origine, celui qui baptise établit une recognition ou une reconnaissance d’un pouvoir supérieur au sien. Par cet acte (le baptême) il affirme ou réaffirme son allégeance à celui qui est ainsi reconnu par l’acte baptismal.

 

Ce n’est pas le baptisé qui est inférieur ou soumît à quelque décret ou dogme : c’est le baptisé qui est mis en valeur, en vedette et qui est donc le plus important protagoniste. Du fait que le Baptiste réclame de Jésus d’être baptisé par lui, en dit long sur sa volonté, toute symbolique, comme nous le verrons plus loin, de conserver le contrôle sur sa destinée. Pour mémoire, le rôle unique de Jean-Baptiste est, comme clairement indiqué dans d’autres versets, de « préparer la venue du Seigneur ». Ailleurs on parle plutôt « d’Avènement », terme plus moderne il est vrai. J.-B est celui qui aplanit les chemins du Seigneur et qui, selon ses propres dires, n’est même pas digne de lacet les sandales de celui qui lui succédera. Ici, deux indications importantes : celui qui vient, après J.-B, est supérieur à lui et c’est sa venue, uniquement, qu’il prépare. Il n’est pas celui qui est annoncé, il est celui qui annonce, qui précède. Ceci est très important pour comprendre la suite !

On sait que malgré la demande étonnante pour le moins de J.B., c’est finalement Jésus qui est baptisé, comme il se doit et qui donc, par cet acte, est reconnu et désigné aux yeux de tous comme étant le Seigneur, Celui dont tous attendaient l’Avènement. D’ailleurs, juste après le baptême, il est écrit que les cieux s’ouvrirent et qu’une colombe descendit sur Jésus, tandis qu’en voix disait « Celui-ci est Mon Fils en lequel je prends mon plaisir. » Il existe d’autres versions, mais cette dernière nous semble la plus adéquate. À présent, entrons de pleins pieds dans la symbolique initiatique.

 

Jean représente le « moi » humain, celui qui, très tôt, part en recherche de lui-même, essaye de s’apprendre, de se connaître et, en un mot, c’est celui qui entame le voyage qu’il ne pourra jamais finir, comme nous le comprendrons plus loin. Tous les chercheurs en spiritualité sont des « moi », des J.-B qui, sans le savoir vraiment, préparent les chemins du Seigneur, à savoir l’installation de la Conscience de Soi (représenté par Jésus mais seulement après le Baptême.) Jésus représente le « Je » de l’homme, à savoir sa capacité à se distinguer des processus mentaux qui forment le « moi » humain. Il n’est pas encore « baptisé », c’est-à-dire qu’il n’est pas encore adombré par la Conscience de Soi, symbolisée par le Christ. Techniquement parlant, au sein de notre physiologie et dans notre cerveau, c’est une glande présentant deux lobes qui s’opposent qui représente ce qui se passe réellement durant cette histoire symbolique du baptême de Jésus par J.-B.

 

Le lobe postérieur de la glande pituitaire est généralement seul actif chez une personne lambda. Il consiste en le fonctionnement du « moi » humain. Ce lobe est de nature passive, de genre féminin et il devrait n’être utilisé que pour « faire la volonté de Dieu » ou, plus exactement, pour suivre les directives éclairées du « Je », dont le seul but est d’accueillir la Conscience Supérieure. Ceux qui se réfèrent à un 3e Œil se réfèrent, sans le savoir, à une transition dans l’activité de la glande pituitaire ou Hypophyse, lorsque le courant électrique est réduit dans le lobe postérieur et augmente régulièrement voire d’un seul coup, dans le lobe antérieur (frontal.) Bien que le véritable 3e Œil se réfère à une autre étape majeure venant s’ajouter à ce mouvement, mais cela ne saurait être traité d’une manière exhaustive en si peu de temps et dépasse quelque peu notre sujet présent. Il faut tenir compte du fait que notre génétique, notre éducation et les différentes formes d’enseignement scolaire, pousse l’être humain à être passif, autrement dit, à ne se servir que du lobe postérieur de sa glande pituitaire et donc, à obéir, à se soumettre ou, et à tout le moins, à se contenter de suivre des directives.

 

Et au bout de sept ou huit générations, l’humain est devenu quasiment incapable de se débrouiller seul, de penser seul et d’agir sans se soucier de ce que les autres font. Il n’est pas devenu mentalement grégaire, il est devenu dépendant, ce qui est très différent. Ensuite, il faut savoir que le « moi » est incapable de changer, car il n’est pas le pôle actif et décisionnel de l’être mais son pôle passif, conçu pour suivre un programme sans pouvoir y déroger vraiment ou complètement. Et lorsque son expérience ou son vécu lui devient insupportable, comme il ne sait pas quoi faire pour être autrement que ce qu’il est, il tente de contrôler son environnement, quelle que soit la technique, faute de réussir à se contrôler lui-même. De même que le personnage symbolique de Jean-Baptiste, le « moi » peut conduire une recherche spirituelle et même faire des choix, cela en fonction du programme interne qu’il incarne.

Et à force d’être seul avec ce sentiment étrange d’avoir été plus ou moins abandonné par il ne sait quoi ou qui, le « moi » finit par se croire seul et à devoir tout faire par lui-même. Alors il commence à s’analyser, se plaçant pour cela au centre, tandis qu’il observe sa propre périphérie. Puis il décide de s’amputer de certaines parties qu’il juge inutiles, dépassées voire contre-productives. Durant cette époque de sa vie, le « moi » a vraiment la sensation d’évoluer, de changer. Mais étant la seule mesure qui soit à sa portée, il est bien obligée de se fier à ce qu’il déduit de ce qui lui arrive, pour décider du sort de ce qui, en lui, permet à ces choses d’arriver ou pas. Plus sobrement, nous arrivons à la symbolique du serpent qui se mord la queue puis qui décide de se dévorer lui-même et ce, entièrement. Ce qui signifie que c’est le « moi » (ou Jean-Baptiste) qui, durant de nombreuses années, va tenter de juger de ce qui est bon ou pas en lui puis qui va faire table rase de tout ce qui lui semble inapproprié.

Hélas, tout comme un serpent devra bien s’arrêter de se dévorer lui-même en arrivant à sa tête, de même, le « moi », rendu aux limites de lui-même, à ce qui lui servait de poste d’observation de tout le reste, est bien obligé de s’arrêter. En clair, la personne qui était habituée à progresser en découvrant tout ce qui, en elle, produit de la souffrance et en le dégageant, petit à petit, doit cesser de s’analyser lorsqu’elle arrive à… L’Analyste lui-même ! Une longue-vue peut permettre de voir de très nombreuses choses et avec une clarté certaine, mais elle ne pourra jamais s’observer elle-même. Un peu comme l’œil humain qui peut tout voir, sauf lui-même. Le symbolisme du serpent qui se mord la queue a toujours été incomplètement compris. Il ne signifie pas seulement que les choses se répètent ou tournent en boucle (Roue du Samsara des Hindous) mais évoque surtout cette impossibilité du « moi » de se réformer entièrement ou jusqu’au bout. Il arrive toujours un moment où le « moi » doit cesser de se réformer, de faire des efforts ou même d’agir de quelque façon que ce soit. Du moins dans le sens ésotérique et initiatique du terme.

 

C’est le moment où Jean-Baptiste doit cesser de préparer les chemins du Seigneur et qu’il doit accepter d’effacer celui-là même qui a conduit cette aventure des années durant. C’est le fameux lâcher-prise des ésotéristes du passé, qui ne peut être efficace que s’il est instauré au moment opportun, à savoir lorsque le « moi » s’avoue franchement ne plus rien maîtriser, ne plus réussir à avancer, etc. Mais tout comme Jean-Baptiste, le « moi » humain l’entend rarement de cette oreille ! Lui qui a si longtemps œuvré pour un Idéal de Beauté, se prend à se confondre avec ce même idéal et décide qu’il est le digne bénéficiaire de tous ces efforts en vue d’évolution. Mais nous l’avons mentionné plus tôt : le serpent ne peut pas dévorer sa propre tête ni se croquer les dents avec ses propres dents. Alors, le serpent et le « moi » en déduisent la même chose : puisque ce qui reste à la fin ne peut se faire disparaître ou même s’améliorer lui-même, il doit très certainement consister en cela qui doit subsister. Ne serait-ce pas le « moi » qui est l’Élu ? N’est-il pas ce Christ que ce qui reste de l’âme attend ? Qui pourrait le dire ou, plus exactement, qui osera le nier ?

 

Mais il reste Celui qui était censé venir. Celui pour lequel le « moi » a si ardemment œuvré et ce, depuis des décennies ! La solution étant peut-être de lui demander de céder sa place. Alors la Conscience de Soi se présente au Portail du mental, mais ce dernier a reçu l’ordre de ne point le laisser entrer. S’il entre, s’en est fini du « moi » et ce dernier devra sans doute mourir. C’est du moins ce qu’il s’imagine. Tragique méprise du « moi », qui a fini par confondre confier l’essentiel de la Guidance humaine à la Conscience, en lui, avec disparaître au profit de quelque chose d’autre ! Car le « moi » est le premier Disciple du « Je » : il n’a jamais été question qu’il disparaisse ou qu’il soit remplacé par autre chose ! Il est juste question de faire valoir le fait que le Premier Disciple est le seul à comprendre le but de l’aventure humaine et à en accepter l’augure. Le saviez-vous ? Dans la Bible on nous parle des douze disciples mais il aurait dû y en avoir 13, ce qui avec Jésus aurait fait 14. Les Esséniens ne parlent-ils pas de quatorze communions ? Sept avec les « anges » de la Mère terrestre et sept avec les « anges » du Père Céleste.

 

Il est dit que Jean-Baptiste est mis à mort, qu’on lui coupe la tête. En réalité, il s’agit là d’une simple allégorie. Inutile de tuer une personne pour la faire taire : il suffit que quelque chose de plus puissant qu’elle s’exprime librement, haut et fort, couvrant le tumulte mental de son « moi » pour que le résultat soit le même. Mais ceux qui ont écrit la Bible voulaient se débarrasser d’un gêneur en la personne de J.B. Sinon, il aurait fallu le caser avec les autres disciples. Question : comme savoir si nous sommes rendus au point où il nous faudra lâcher prise, ne plus chercher à contrôler quoique ce soit, afin que la Soi-Conscience puisse nous pénétrer ? Rien de plus facile : avez-vous le très net sentiment de ne plus rien comprendre, de ne plus rien contrôler et, en un mot comme en cent, de vous sentir littéralement paumés ? Si c’est le cas, surtout en ce moment (écrit en mars 2025), sachez que c’est très bon signe ! Le moment est enfin arrivé de vous laisser porter par les énergies, comme disent les spiritualistes.

Ou plus simplement, le fait que vous n’ayez plus la main est une bonne chose, n’essayez surtout pas de reprendre le contrôle, il vous arriverait des bricoles ! À l’inverse, si vous avez le net sentiment de pouvoir encore et toujours mener votre barque, intervenir efficacement sur les évènements voire sur les êtres, ne touchez à rien non plus et… Continuez ! Bien sûr, dans ce second cas, vous serez, tels les acteurs du film « Matrix » dans une magnifique illusion ! Mais comme cette dernière n’est pas considérée comme telle, elle devient nécessairement votre seule et unique réalité. Écouter les conseils même supposément « éclairés » des autres ne vous servirait à rien et s’avérerait même contre productifs pour vous. Vous devez vivre, encore un certain temps, dans l’illusion du faire et comme vous êtes persuadés de gérer votre vie, l’esprit fait en sorte que votre « moi » soit satisfait et reçoive toutes les « preuves » qui lui sont nécessaires pour s’abuser en toute sérénité et, surtout, en parfaite honnêteté. En effet, si vous êtes convaincus d’avoir raison, alors raison vous aurez ! Il s’agit d’une loi du fonctionnement de l’esprit, pas d’un vulgaire trait d’humour !

 

Évidemment, vous ne pourrez pas vous entendre avec ceux qui pensent différemment. Vous aurez même l’impression qu’il leur manque une case et, que fort heureusement, vous, vous savez où se trouve la vérité ! Vérité qui, de toute manière, se trouvera toujours du côté où vous la chercherez ! Tournez votre regard à droite et elle s’y trouvera, rien que pour vous ! Tournez votre regard à gauche et la voici à vous attendre ! N’est-ce pas étonnant et Merveilleux ? Tout ce que vous attendrez et réclamerez de l’esprit, il pourra vous le donner. Tout vous semblera « véritable », tout aura la couleur et la fine texture de la vérité : Tout ! Une vérité qui sera la vôtre aussi longtemps que vous l’entretiendrez par vos croyances ou aussi longtemps que d’autres vous pousseront à partager un même état d’esprit. Tous les états d’esprit possibles et imaginables sont véritables et forment la vérité. Mais il est une Vérité Supérieure, sans forme, qui est seule capable d’affranchir l’homme de son esclavage spirituel. C’est ce qu’a voulu dire Jésus dans le célèbre verset : « Vous trouverez la Vérité et la Vérité vous affranchira. »

 

Quelle vérité ? Et en quoi peut-elle nous affranchir ? Serions-nous des esclaves ? Pire : nous sommes des esclaves consentants ! Nous tenons à nos vérités comme à la prunelle de nos yeux. Et nous sommes prêts à défendre bec et ongles ces mêmes vérités auxquelles nous tenons tant. Sans doute parce que nous sentons qu’elles sont plus ou moins illusoires ? Moralité de l’histoire. Si vous avez l’impression de pouvoir contrôler votre vie, ne changez rien ! Le lâcher-prise n’est pas (encore) fait pour vous. Si vous avez le net sentiment de pédaler dans la semoule, de ne plus avancer, de ne plus rien comprendre aux autres, à la vie et même, à vous-mêmes, ne changez rien non plus ! N’essayez surtout pas de reprendre le contrôle de votre vie : laissez-vous aller, vous êtes prêts du but, si près !

 

Serge Baccino