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Nous vous proposons la définition du mot «Dieu», telle qu’elle est donnée dans le dictionnaire de philosophie de Gérard Legrand. Comme vous le constaterez à la lecture de cette définition, le concept du Divin a toujours intrigué les plus grands penseurs mais, parmi eux, très rares sont ceux qui ont été capables de définir Dieu d’une manière simple et accessible au commun des mortels.
«DIEU : en grec, théos, mot d’origine inconnue ; en latin, deus, apparenté à un groupe indo-européen désignant « jour lumineux« . Objet suprême et surnaturel des pensées, des croyances et des pratiques qui constituent la religion.
La formation de « l’idée » de Dieu a été attribuée par certaines religions à la révélation primitive de son existence, par la critique scientifique, à la peur de l’homme devant la nature, à l’apparition nocturne ou en rêve des âmes des morts, à l’adoration des astres, notamment du soleil, ou de l’ensemble des phénomènes naturels.
Pour les Grecs, fondateurs de la philosophie, les dieux ou démons étaient partout. La locution « o théos » désigne couramment « un dieu » non autrement nommé, sorte d’individualité à la fois surnaturelle et naturelle. Cette notion ne s’intègre pas spécialement dans la philosophie, mais elle entraîne celles d’une « apparition subite », comme auréole de lumière, et d’une évidence qui appelle la contemplation.
Quelques Grecs professèrent l’athéisme, déplus nombreux raillèrent les croyances populaires et annoncèrent le monothéisme.
Mais la piété antique ne fut jamais une foi au sens moderne. L’annexion de la philosophie par le christianisme déplace la notion de dieu.
C’est désormais sur un Dieu à la fois omnipotent et pourvu d’une dogmatique complexe qu’il faut se prononcer.
De manière abstraite, on reprend à la philosophie hellénistique et romaine (Cicéron) les preuves de son existence. Il est créateur (Descartes), Providence (Leibniz), de manière plus ou moins conforme à des enseignements extra-philosophiques. La validité de ces raisonnements inspire à Pascal une protestation célèbre : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes ou des savants ». Contre les preuves traditionnelles, Kant élève une série d’objections en forme, qui ne laissent plus subsister que l’appel au sentiment du sublime, déjà esquissé par Rousseau.
Mais c’est un Dieu désincarné et exempt de toute sublimité que le kantisme léguera au pragmatisme, tandis que Hegel dissimule sous le masque de Dieu la « pensée de l’Absolu ». Feuerbach tente de ramener la théologie à une anthropologie et le marxisme renouvelle l’athéisme matérialiste.
Nietzsche annonce que « Dieu est mort » mais ajoute que « son ombre continue à dominer la culture occidentale ».
D’autres penseurs (Auguste Comte, Durkheim) voient seulement dans Dieu la « sublimation » de la société. La psychanalyse y repère une « projection » des instances parentales, et peut-être de la sexualité en son essence. Cette revue historique permet de poser la question : comment aujourd’hui se présente le concept proprement philosophique correspondant à la notion Dieu ? On peut toujours la définir comme le principe unique et suprême de toute existence, de toute causalité, de toute finalité.
Mais cette définition n’entraîne que la position du principe, non celle des associations d’idées qui lui sont associées ordinairement. Dieu est devenu, par le christianisme, un objet de foi auquel s’attachent les particularités d’une personne morale et non pas une pure articulation de la pensée. Il est légitime d’annexer à une abstraction sociologique le Dieu de la religion. Mais il est aussi illégitime d’appliquer le nom de Dieu à l’Être en soi, à l’Absolu des métaphysiciens qui ne le revendiquent pas, ou même l’écartent expressément.
Même transcendant, l’Absolu n’a pas besoin d’être une personne. Pour un philosophe croyant, Dieu fait partie de la religion d’abord, de sa philosophie ensuite : il ne se prouve pas».
GÉRARD LEGRAND (Le dictionnaire de philosophie)
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