Sur les religions (extraits)

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Paul RadinLes premières formes de religions sont issues des magies primitives car, à l’origine, les unes comme les autres avaient pour but de communiquer avec les forces de la nature. Dans l’un de ses ouvrages, Paul Radin, qui fait autorité dans le domaine des religions comparées, montre bien comment les pratiques magiques évoluèrent en cultes religieux et comment, tout au long de cette évolution, apparurent les premiers clergés.

 

 

«Pour reprendre les débuts de la religion, nous devons essayer d’analyser aussi exactement que possible les conditions dans lesquelles l’homme vivait à l’aube de la civilisation. Il vivait manifestement dans un milieu physique variable et essentiellement hostile, et il possédait une préparation technologique très peu adaptée pour se défendre contre ce milieu.

Sa mentalité était encore insurmontablement dominée par des caractéristiques nettement animales, bien que l’existence, les valeurs elles-mêmes, le désir de succès, de bonheur et de longue vie, fussent naturellement toujours présents.

 

Ses méthodes de production alimentaire étaient de la plus simple espèce, par la récolte de baies et de racines, et par le type le plus élémentaire de pêche et de chasse.
Il n’avait pas d’habitation fixe, vivant dans des grottes ou des abris naturels.

Aucune sécurité économique ne pouvait exister, et nous n’irons pas trop loin en supposant que, lorsque la sécurité économique n’existe pas, l’insécurité émotive et ses corrélations, le sens d’impuissance et le sentiment d’insignifiance, sont forcés de se développer.

 

Partout où les conditions économiques le permettaient, un clergé quelconque se développait et ses buts étaient toujours d’une double nature. Le premier but était d’élaborer et d’employer les croyances religieuses de manière qu’elles puissent renforcer l’autorité des anciens et, par là, renforcer aussi la leur, car ils appartenaient généralement à un groupe d’âge identique. Le second but était l’acquisition et l’accroissement de la sécurité économique des prêtres.

Ainsi libéré des exigences pressantes d’avoir à passer la plus grande partie de sa vie à la recherche de la nourriture pour lui-même, le chaman, à la fois guérisseur et prêtre, se trouvait, au contraire des autres membres de son groupe, pourvu, à un degré variable, du loisir nécessaire à l’analyse et à la synthèse des phénomènes religieux.

 

Et où l’ordre économique était, la richesse et le pouvoir de la communauté étaient effectivement concentrés dans leurs mains : en Afrique Occidentale par exemple, une aristocratie s’y développa et, quelquefois, s’exprima en pensée abstraite d’un ordre élevé».

 

PAUL RADIN (1883-1959)